Le rendez-vous et l'invité surprise. (Nouvelle)

Publié le par David de...

Le rendez-vous et l'invité surprise. (Nouvelle)

Nous nous connaissions à peine.

Nous nous étions croisés dans le bus mais sans nous dire un mot.

Un soir, elle manquait "à l'appel". Je l'avais remarqué car elle souriait sans cesse. Même quand elle lisait, elle souriait bien que le sujet du livre (un "Boris Vian alias "truc-machinson": "J'irai craché sur vos tombes"; le titre m'a très souvent servi de réplique, mais j'y reviendrai).

Non, là j'exagère mais bon: c'était un peu comme un sketch dans "How I met your mother" (le coup de la prise en photo de Barney, pour les initiés): on ne pouvait la surprendre à ne pas sourire.

Bon, là aussi, j'éxagère mais on est pas loin.

Le bus avait démarré prêt à s'engager sur la voie et je la vois.

Je m'agrippe au siège du chauffeur car je me mets devant s' il y a de la place, je ne vais pas me mettre au fond comme les cancres ou les sauvages, (et on a vite fait de poser son cul) car figurez vous que ce sont toujours les moins enviées, comme à l'école: à croire qu'ils ont peur de passer pour des fayots; au milieu, ceux qui ne veulent pas faire de vagues et les sauvages toujours au fond; rares, en revanche sont ceux, comme moi, qui se disent: plus vite assis, plus vite sorti.

Je demande donc au chauffeur, avec le tiers du verbe conjugué "attendez", donc une syllabe, qui lui a très bien suffi, puisque le visage de la demoiselle venait à peine de se coller contre la calandre.

En entrant dans ce "bélier à banques", elle nous remercie, et chacun le sien.

Puis, chaque matin, nous nous sommes dit "bonjour".

Puis un jour, elle porta un corset à bretelles qui découvrait son dos sur lequel était tatoué une tête de mort.

Un ruban l'ornait dans lequel était inscrit "Strong inof". Je lui ai demandé pourquoi cette erreur. Elle m'a dit que c'était rigolo.

J'ai répondu que j'avais pensé à tout, sauf à çà. Et j'ai ajouté: - Sinon, changez de tatoueur ! Il est peut être bon à l'oral en anglais, mais à l'écrit...

Un autre matin, j'avais oublié mon "canard" et je m'étais assis à côté d'elle, qui pour la seconde fois, avait choisi le premier rang.

La première fois, c'était le contraire : c'est elle qui m'avait rejoint au premier rang, avec en guise un "Vous permettez ?" que je concluais par un "Mais je vous en prie", ma Chère.

Je lui demandai à tout hasard, si sa besace ne recelait pas un livre de plus, le temps du voyage, qui pouvait durer 40 minutes.

Elle en fut confuse de n'avoir pu me satisfaire.

Puis un soir, étant une fois de plus démuni de toute nourriture spirituelle, sinon le bitume avalé par le bus, elle m'interpella verbalement, plus sursautant qu'une tape sur l'épaule, en me tendant un sac rempli de livres.

Il y'en avait au moins une douzaine et elle me proposa d'en choisir un, en précisant :

- Vous me le rendrez quand vous l'aurez fini. On se voit tous les jours.

A quoi j'ai répondu:

- C'est gentil de me laisser le finir. Merci.

Et j'étais ravi car j'avais fait "bonne pioche". On y reviendra dans un autre post.

Après quelques palabres et roucoulements, nous nous sommes vu un soir, rien que tous les deux, sans aucun autre passager du bus. Je ne pouvais inviter tout le monde et d'ailleurs, je ne le voulais pas.

Tous les deux affalés, languissants sur le canapé, sous une lumière voilée, prêts à céder à nos désirs, à nos sens et à nos hormones agitées.

Soudain, son téléphone portable se mit à vibrer et sautiller sur la table basse. Elle le saisit comme on essaye de saisir un poisson qui vous a glissé des mains.

Après l'avoir collé quelques secondes contre son oreille, son visage s'est figé, c'est la première fois que je la voyais changer d'expression, passant du sourire à la terreur.

Son vieux venait de claquer. Ce vieux chieur avait choisi son heure pour me pourrir la mienne et celles qui suivraient.

Elle prit son sac et s'excusa.

L'invité surprise était un mort.

David de...